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Schmidt, Arno

Soir bordé d'or

Le dernier livre mythique d’Arno Schmidt, Soir bordé d’or, est enfin réédité : cet adieu testamentaire à la vie est en même temps une remémoration des ambitions de jeunesse : l’histoire pétaradante d’une bande de jeunes faisant irruption dans la bibliothèque-forteresse de vieux lettrés qui ne refusent pas la bagarre. Affrontements de toute sorte, métaphysiques, littéraires, politiques, philosophiques et, bien entendu, sexuels. Arno Schmidt admirait Joyce, et la forme dialogique qu’il adopte dans le récit de cette confrontation homérique, roman polymorphe où le réalisme le plus cru côtoie des féeries toutes purcelliennes, où une âpre confession autobiographique recouvre des trésors d’érudition, s’accompagne d’un travail sur la langue qu’aucun écrivain allemand n’avait jusque-là tenté.

Une farce féerie, 55 tableaux des confins Rust(r)iques pour amateurs de crocs-en-langue. Dactylogramme au format 32,5 X 44 cm traduit aux dimensions de l'original. 49 dessins de l'auteur et autres images. Imprimé sur papier chamois de 175 g. Tirage limité à 600 exemplaires. Traduit de l'allemand par Claude Riehl. 215 p. (1991) Expédition étranger par colissimo (2780 g.) 

Extrait

Tableau 1

La baignade de Klappendorf . Piailleries sur vert bariolé (: 'Tu es tout pour moi, car je n'aime que Toi : Micaé-là-a-a'), dans la lumière de l'après-midi. Très chaud pour un 1er octobre (24° !) : des petite nuages blancs se paissent, ('L'avion fait des trânées' , une remarque d'Ann 'Ev ' ; mais Martina : 'Mais non. Vent, force O.o3 ; fait même pas tomber les abeilles des boutons-d'or. ') ; sorbiers aux baies rouges ,(et en même temps, se détachent tout en haut sur les jeunes pousses, 2 ombelles blanches) ; l'étourneau a déjà changé de demeure ; et pourtant se dressent partout de bien mignonnes paquerettes : parfois ça dure jusqu ' en novembre et reprend déjà en février ; Martina, elle aussi, a arraché une de ces 'fleurettes des oies' avec la boucle de la lanière en cuir de sa claquette (elle a une démarche pataude & mal assurée). C'est ainsi qu'elles se rapprochent du petit pont (près duquel a encore fleuri un nouveau panneau) . /Le camion sans coeur plein de cigares s'éloigne ... en se hâtant. /Snaked-eyed little girl , robe troussée jusqu'à la clavicule , admiring her double of darkness, une gigantesque bulle de chewing-gum toute noire devant la face (explosion sourde & réabsorption... ; some 12 years old, demure, affected, shy ; prepared the force of early powers to try. Dans son dos , Pasteur Culottes-de-Cuir, with pale religious letchery/leutchery ; il chéribine/chérubine la tabernaculette lutine , with azure eyes of prey/pray, de la regio poplitis , jusqu'aux petites poires décanales pointues, designed for loving). / Et les y voilà - à côté d'elles un petit chien blanc qui accompagne tous ceux qui passent le pont, (mais qui ne fait de mal à personne) ; on lui parle volontiers, et cela suffit à le contenter - elles s'appuient au garde-fou peint en vert clair ; et elles examinent avec complaisance leurs images qui tout aussitôt se mettent à danser : la 'gamine du Major', avec Kö de Schwall (retenue par 2 'cerises', d'une couleur mi-gris clair, mi-olive) ; la jeune poitrine qui se développe sous un léger pull sans manches ; sous la jupe, de longues jambes grassouillettes (hélas ! très légèrement en x) ; à la main, un coussin gonflable muni d'une poignée. 'it's more sociable-like' avait-elle prétendu, lorsqu'Ann'Ev ' lui avait objecté: 'T'as pas besoin de poche , c'est qu'une promenade.' Cette dernière a de longs cheveux jaunes, bizarrement emmêlés ; là-dedans de grands yeux gris cernés de noir ; elle bouge épaules et hanches, mal à son aise - elle n'est pas habituée à porter des vêtements, et regarde autour d'elle : ? -

MARTINA (étonnée) : " un 'Bommenzinnes' ?! " - (Elle a droit à 'trois réponses' ; elle pense à 'lampe' : 'une lampe à arc' . Ou 'une corbeille à papier' ?... )

ANN' EV' : " M-m. Une espèce de saint des ponts : ne-Pomucenus. - Le chemin qui tourne autour de l'Étang, il s'apelle vraiment 'Le Fer à Cheval' ? ; ou c'est vous qui l'appelez comme ca ? - Oui ; je boirais bien un S'pa-Citron . Il fait une de ces chaleurs , on sue pire qu'une danseuse dans un confessionnal. Mais j'ai pas d'argent. "

MARTINA : " Pas de problème : avec messieurs les originaux & seigneurs de la pantoufle . Sont vieux comme les rues et te sortent tous les noms des taches de la lune ; un peu simplets & jouisseurs; avec ces vioques t'étudies la gérontologie. "

ANN'EV' : " Oui ; c'est un drôle de ménache chez vous : tu donnes un schmoutz , tu reçois un sou . Tss ; je veux bien croire à ton malheur avec ces vieux sous-développés - il a son t du genre à penser que le sucre ne sucre plus comme avant . Les gens de 50-60-70 ans sont lubriques & pas droits ; des non-homme s qu'ont plus de moelle, turning bad dispositions into worser habits. "

MARTINA (donne un aperçu général, inaccurate but inspired) : Parfois il y a de quoi attraper des plumes sur tout le corps. Surtout avec ce loup-garou rabougri d'oncle Olmera : vieux comme Matouchalem , et la braguette toujours ouverte : ce monstre de lubricité a une femme en caoutchouo, et qu'il faut gonfler ! L'Etat lui paye une rente ad aeternam qu'il utilise pour s'abonner à 'Playboy'  t se louer à l'heure toutes les gamines de 10 ans à la ronde... ? - : penses-tu ; 'bibliothécaire à la retraite' ; il a des livres avec plein de gravures cochonnes . Sleep , Sin and Old Age: ce lézard libidineux m'inspire un dégoût in commensurable, je me méfie même de son ombre."

(Elles déambulent autour de l'étang légèrement surélevé. / Nombre de jeunes gaillards ont le cou qui s' allonge et leur avidité transparaît à travers le maillot de bain. / Coquettes gourgandines in-douze: excitée par la lumière, elles mettent à l'air leurs petits derrières bruns et blancs, blen fermes, qui s'égouttent peu à peu . Une diablotine rosissante d'une maigreur affligeante tient une petite serviette purpurine devant ses organeaux pour attirer l'att ention d'un Bayard prêt à l'assaut. Ploufs et blablaploufs de microbates sablées d'argent aux oeillades délurées, hedged by uncles. / Une beauté grisonnante (maillot une pièce, mais fendu jusqu'au clitoris) s'encrème une paire de cuisses d'Atalante pour se protéger contre notre soleil bien-aimé, (et phatalement les seins s'échappent lorsqu'on se penche et pourtant une enfant pâle aux allures de naine, without an inch of teat, lui jette aussitôt la pierre de l'opprobe : !). (Plus tard, alors qu'elle a disparu dans l'eau, un gamin s'agenouille devant la prodigieuse empreinte qu'a laissée son derrière dans le sable, -vaillammamant ; un spectacle qui apporte du ravittaillement à son imagination - une jeunette, une grande sèche bien sévère, derrière allongé à la moderne , raie étroite coupée au rasoir, fesses pincées et austères, ne le gratifie pas même d'1 coup de pied.) / Dissimulé dans les fourrés , un vieil Onanyme, blême demi-portion) se voyeurise jusqu'à presque s'estropier.

En savoir plus...

Le centenaire d'Arno Schmidt a donné lieu à diverses manifestations en France au Goethe Institut et en Belgique à une exposition de photos à la librairie Ptyx (rue Lebroussart 39, 1050 Ixelles) dont le directeur Emmanuel Requette est un fervent défenseur de sa mémoire. Ce dernier a participé aussi à une émssion de radio de la RTB pour parler de Soir bordé d'or, ce "livre monde" qu'il décrit si bien.

Extrait du blog de Ptyx : A la fin de sa « carrière », Arno Schmidt s’est presque exclusivement consacré à la composition de ses grands livres tapuscrits.  Tel Zettel’s Traum, monstre littéraire de 1300 et quelques pages, encore indisponible en français ou ce « Soir bordé d’or » que la folie conjointe d’un immense traducteur (Claude Riehl) et d’un génial éditeur (Maurice Nadeau) ont porté jusqu’au lecteur de langue française.

En format A3 de plus de 200 pages (allez lire ça dans le métro!), composé de 55 tableaux, « Soir bordé d’or » conte trois journée très chaudes d’octobre autour de trois soixantenaires (et plus) : Eugen, l’amputé des deux jambes, Olmers, le beau-frère, A&O, l’ami écrivain.  Mais aussi Grete, la femme d’Eugen, Asa, la servante, Martina (15 ans), la fille d’Eugen, Ann’Eve, la visiteuse de 21 ans, Bastard Marwenne, rustre au membre d’exeption, Egg, son acolyte, Babilonia, 11 ans et déjà veuve à plusieurs reprises.  Entre autres.  Et chez chacun, la chaleur torride réveille une concupiscence trop longtemps retenue.  Peu à peu, la campagne environnante se transforme en Mont Eryx.  Chaque parcelle de bosquet devient lieu d’émoi sexuel.

 

Pour en savoir plus écouter en suivant ce lien cette émission  de janvier 2014. Bonne écoute.

http://www.librairie-ptyx.be/soir-borde-dor-une-farce-feerie-55-tableaux-des-confins-rustriques-pour-amateurs-de-crocs-en-langue-de-arno-schmidt/

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L’un des plus grands écrivains allemands contemporains, Arno Schmidt, serait mieux connu des Français si, après sa mort, en 1979, une série de procès n’avaient opposé son éditeur, Samuel Fischer, à la Fondation Arno Schmidt, édifiée et financée par un très riche admirateur de l’écrivain. Les traductions furent bloquées. On avait même fini par oublier qu’à Paris, en 1962, Maurice Nadeau avait publié, chez Julliard, dans sa collection Les Lettres Nouvelles, l’ouvrage qui a établi la gloire d’Arno Schmidt en Allemagne : Scènes de la vie d’un faune. Scènes de la vie d’un faune a été réédité, chez Christian Bourgois, en même temps qu’a été publié Léviathan, un recueil de trois importants textes d’Arno Schmidt. La critique de l’époque, unanimement louangeuse (« Il faut absolument lire Arno Schmidt ». Jean-Louis de Rambures, Le Monde) a montré l’impatience qu’elle avait de connaître le grand ouvrage d’Arno Schmidt que publiera, en 1995, Maurice Nadeau : Soir bordé d’or.

D’un format inhabituel : 32 x 44 cm (format atlas), il s’agit de la reproduction en fac-similé de la traduction en français, par Claude Riehl, de l’original allemand, page pour page, ligne pour ligne : un dactylogramme (familièrement, un tapuscrit), avec corrections, ratures, dessins en marge ou dans le corps du texte tels que les a voulus l’auteur. Il fallait ce format et cette reproduction photographique pour conserver au texte (et à ses à-côtés) sa profondeur de champ et son ouverture maximale. Une réalisation, en tous points conforme à l’édition allemande.

Soir bordé d’or est le dernier livre d’Arno Schmidt : un adieu testamentaire à la vie en même temps qu’une remémoration des ambitions de jeunesse : l’histoire pétaradante d’une bande de jeunes faisant irruption dans la bibliothèque-forteresse de vieux lettrés qui ne refusent pas la bagarre. Affrontements de toute sorte, métaphysiques, littéraires, politiques, philosophiques et, bien entendu, sexuels (jusqu’à l’obscénité). Deux mondes qui n’en font qu’un : notre monde, dépouillé jusqu à l’os et cependant brillant de tous les feux du soleil couchant.

Arno Schmidt admirait Joyce, et la forme dialogique qu’il adopte dans le récit de cette confrontation homérique, roman polymorphe où le réalisme le plus cru côtoie des féeries toutes purcelliennes, où une âpre confession autobiographique recouvre des trésors d’érudition, s’accompagne d’un travail sur la langue qu’aucun écrivain allemand n’avait jusque-là tenté.

Arno Schmidt est bien, en effet, le Joyce allemand. On imagine les affres par lesquelles est passé son traducteur. Sa réussite est totale. Arno Schmidt n’a jamais été plus « merveilleux prosateur » que dans Soir bordé d’or.

Arno Schmidt est né le 18 janvier 1914 à Hambourg. Après ses études secondaires, il entre comme comptable dans une usine de textile. Mobilisé en 1940, il est fait prisonnier par les Anglais lors de la débâcle allemande, près de Bruxelles. Il publie son premier texte, Léviathan en 1949, salué par Alfred Döblin et Ernst Jünger. Ses ouvrages se succèdent d’année en année alors que s’établit la légende de « l’ermite de Lunebourg » qui refuse toute interview, toute apparition en public. Günter Grass lui remet le Prix Fontane en 1964.

Sa publication d’un premier « tapuscrit » : Zettels Traum, en 1970 (9 kg), provoque un choc et la création d’un très sérieux Syndicat de déchiffrement de son oeuvre. Il reçoit le Prix Goethe en 1973, publie Soir bordé d’or (Abend mit Goldrand) en 1975, meurt le 3 juin 1979. Six périodiques allemands ainsi qu’une Fondation sont exclusivement consacrés à Arno Schmidt.