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Clarisse Griffon du Bellay

Ressacs

En librairie le 19 janvier 2024

Chez les Griffon du Bellay, l’Épopée du Radeau de la Méduse a toujours été une Histoire de famille : depuis que Joseph Jean Baptiste, l’ancêtre, un des quinze survivants du naufrage, a corrigé avec la minutie et la précision d’un sculpteur le récit officiel de la tragédie, il a été instauré la tradition de transmettre son exemplaire annoté de père en fils aîné.

Pourtant, c’est une des arrières-arrières-petites-filles, Clarisse, sculptrice, qui avec la même sincérité que l’aïeul, a ressenti la volonté intime de se dégager du tabou familial, à l’aide de son écriture, si proche de la pointe, précise, de sa gouge.  978-2-86231-534-8, Coll. À Vif, 112 pages. 17 €

Clarisse Griffon du Bellay est née en 1981. Elle suit des études de lettres modernes, avant de se consacrer à la sculpture en taille directe de bois. Depuis 2010, elle expose régulièrement en France et en Europe. Ressacs est son premier roman. 

Image de couverture : Victor Hugo, plume et lavis d’encre brune et gouache : “Ma destinée”, 1867, Paris, Maison de Victor Hugo.

 

Extrait

« On se transmet le livre mais on se transmet aussi l’impossibilité de parler de son contenu, de formuler ce qu’il fait résonner en nous. L’objet s’entoure de mystère et devient l’objet physique du tabou. En nous laissant son livre sans directives, il nous a légué son propre questionnement irrésolu.

Que faire de ce témoignage ? Chacun ayant le livre entre les mains a dû se poser la question. Qu’aurait-il voulu qu’on en fasse ?

Nous nous trouvons impliqués malgré nous. Nous devenons complices du secret en nous taisant à notre tour. Nous recevons notre part de culpabilité. Et nous pouvons la transmettre à nouveau. »

 

«  Le radeau a toujours été là. Je ne peux pas avancer plus sans sauter dans le vide, sans commencer à tailler, en aveugle. J’ai tout sur le bout des doigts mais je suis incapable de voir la forme que cela aura.

À l’heure qu’il est je me dis que ce que je dois faire ne doit pas me rendre malade, me rendre triste. Comme lorsque je me suis forcée à voir, alors que je n’étais pas tout à fait prête. Ça coince toujours un peu.

Je n’ai rien à démontrer. Seul, mon désir de mer, de failles, du travail de ronger, de détruire et de faire de la dentelle. Mon plaisir absolu de tailler des corps, de les dessiner, de les ouvrir. Tresser corps et vagues. Piéger les corps, les faire fondre, les traverser. Faire vivre la mer dans les corps, faire mourir les corps dans la mer. »

 

En savoir plus...

"Une prouesse qui confine au sacré" Gilles Fumey rend compte en ces termes de "Ressacs" de Clarisse Grifon du Bellay dans son blog de Médiapart. "«Ressacs» est le premier livre de Clarisse. Son style s’apparente à de la sculpture sur le bois, des gestes avec sa gouge pour creuser sous l’écorce, des phrases parfois coupantes comme le fil d’un couteau de boucher. Il lui faut saisir ce qui a pu être ressenti lorsqu’il a fallu couper les chairs, les manger, s’en souvenir…" Lire l'article :

 

Elisabeth Philippe poursuit sur France Inter sa série de quatre entretiens avec Clarisse Griffon du Bellay sur "Ressacs" le 9 mars 2024. https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/des-vies-francaises/des-vies-francaises-du-samedi-09-mars-2024-1694636

Ce troisième épisode est consacré aux massacres qui ont eu lieu pendant les treize jours où le radeau dériva aux larges des côtes de l'actuelle Mauritanie, en juillet 1816. Clarisse Griffon du Bellay expose que son ancêtre à commenté le récit officiel d'Henri Savigny selon lequel un groupe d'officiers a restauré l’ordre sur le radeau à la suite d'une émeute des soldats énivrés. Elle lit une série d'annotations écrite à la marge : "Monsieur Savigny déguise le commencement d'exécution d'un projet formé par un conseil dont il était l'âme, composé de vingt-cinq à trente personnes, de se défaire de la plus grande partie des soldats afin d'alléger le radeau et diminuer le nombre des rations de vin à délivrer. Projet infâme à la vérité, mais auquel il est bien prouvé que nous devons notre salut. Aussi, au lieu de s'opposer à ce que les soldats s'emparassent d'un tonneau de vin, ils le leur livrèrent, et il en résultat ce qu'il dit : il n'était plus difficile alors de se défaire d'hommes gris, affaiblis de toutes manières, il ne fallait que les pousser pour les faire tomber à la mer."

Clarisse Griffon de Bellay ajoute : "Cela a été la grande question de ma vie: est-ce que j'ai la légitimité de faire cela, vis-à-vis de la famille et vis-à-vis de sa mémoire? J'ai la conviction très personnelle que s'il a écrit cela c'est pour qu'un jour on puisse entendre sa voix et que cela puisse rétablir l'honneur des soldats et remettre les responsabilités à qui elles appartiennent. Et je pense aussi que c'est l'histoire collective et que cela ne nous appartient pas. Et qu'il fallait rendre cela à l'histoire collective."

 

Elisabeth Philippe consacre dans L'Obs un article "La Chair de sa chair" sur "Ressacs" le 21 janvier 2024.
"Dans la famille de l'autrice, le récit, tabou, se transmet à demi-mot. Un livre, écrit par d'autres survivants, et annoté en marge par l'ancêtre, circule uniquement de père en fils et seulement à la mort de l'aîné, comme si le cannibalisme « allait tous nous éclabousser ».
Par son livre à elle, Clarisse Griffon du Bellay « brise le pacte de silence ». Dans une langue évidée de pathos et d'une blancheur d'os, elle dit le « vertige de sentir qu'on tire son sang de là », de savoir que l'on doit sa vie au massacre d'innocents et aux « viandes sacrilèges » dévorées par son aïeul :
« Je me demande si j'ai un héritage de ça. » « Ça », cet indicible qui la nourrit et fait d'elle aujourd'hui une écrivaine née sous le signe de la Méduse."
 

Elisabeth Philippe analyse sur France Inter un article "Mon ancêtre cannibale" sur "Ressacs" le 15 janvier 2024.

"Cette histoire, celle de son ancêtre qui avait mangé de l'homme, Clarisse Griffon du Bellay dit l'avoir toujours su. Mais longtemps, ça n'a rien représenté de particulier pour elle. A tel point qu'elle n'a pas tout de suite fait le lien entre ses cauchemars violents, son attrait obsessionnel pour la viande dans ses sculptures, et le cannibalisme de son aïeul. De même, elle a toujours su qu'un livre secret circulait dans sa famille, se transmettant uniquement du père au fils aîné, mais elle ne s'yintéressait pas plus que cela. Ce livre interdit est le récit fait par deux survivants de La Méduse, annoté par son ancêtre rescapé, qui corrigea en marge l'histoire officielle et rétablit la sordide vérité. Et puis un jour, Clarisse finit par lire ces lignes et découvre ce que ses proches ont tant souhaité cacher. Elle comprend pourquoi l'histoire de son aïeul est aussi taboue, trouée de honte et de non-dits. Aujourd'hui, elle, une fille, une femme, qui n'aurait même pas dû avoir accès au livre secret, brise le silence et les traditions en publiant son propre livre. Elle rend littéralement publique cette mémoire. Dans un geste littéraire et cathartique d'une beauté viscérale, la chair enfin se fait verbe." 

En savoir plus, écoutez : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-cultur

 

Dans Mariane du 14 janvier 2024, Eve Charrin signe sous le titre Livre : "Qu'est-ce que c'est pour moi le cannibalisme ?" se demande Clarisse Griffon du Bellay dans "Ressacs" : Que faire de pareil héritage ? « Qu'est-ce que c'est pour moi le cannibalisme ? »  Devenue sculptrice sur bois, la jeune femme fait surgir des corps à vif, des carcasses, des entrailles : « J'imagine par ma chair. »  En ce début d'année, plus de deux siècles après le naufrage, la quadragénaire rompt par son beau récit le silence honteux transmis sur cinq générations. Au vertige du tabou brisé s'oppose « la puissance vitale qui se dresse et lutte ».  Saisissant.

 

Dan Burcea consacre, Lettres Capitales  un long article illustré sur "Ressacs" de Clarisse Griffon du Bellay. Il y relate les événement du naufrage de la Méduse en 1816 et le récit qu'en fait la descendante de son ancêtre, l'un des 15 survivants du radeau immortalisé par Géricault. https://lettrescapitales.com/ressacs-la-double-reecriture-du-naufrage-du-radeau-de-la-meduse-par-larriere-arriere-petite-fille-dun-des-survivants/

 

Un article de fond de Virginie Lerot sur Litteraturae meae : https://litteraemeae.wordpress.com/

extrait : "J’ai lu ce livre et le lendemain, je l’ai relu. Sa puissance et son écriture m’ont enthousiasmée. Évidemment, le sujet avait tout pour me plaire : une descendante d’un des rescapés du radeau de La Méduse écrit sur cet héritage particulier et ses effets sur sa famille et elle-même. Elle tisse pour ce faire une toile où se croisent les fils de l’histoire, de l’art, du devoir et du vécu. Ce que je ne pouvais en revanche deviner avant d’entamer ma lecture, c’est à quel point les réflexions et les émotions qu’elle dévoile au fil des mots entreraient en parfaite résonance avec moi."

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