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Lederer Jacques

Chtarbov. Le génial inventeur de la psychanalyse en double aveugle

En librairie le 3 février 2022.

« Ah, mes tendres cœurs, mes chers frères et sœurs en névrosie ! Comme je vous plains et vous comprends, ayant moi aussi usé mes plus belles années sur un divan à ressasser les « Et pourquoi je prends toujours les mauvaises décisions », « Et quand je prends les bonnes, pourquoi je ne vais pas jusqu’au bout », « Et c’est quand qu’on arrive ? », toutes ces promesses de future vigueur jamais tenues, ou pire, une fois terminée l’ultime séance, vous laissent en rade sur le trottoir : guéri ? Pantelant oui ! Ramené à la case départ, vidé – je n’insiste pas, vous m’avez compris. Eh bien, mes tendres cœurs, moi qui vous aime comme si je vous avais faits, moi, Chtarbov, qui ai mis des décennies à édifier ma Psychanalyse en double aveugle, cette révolution en matière de cure (mot bien inapproprié, vous verrez) je vous en présente ici quelques appetizers pour parler sinon penser (Dieu m’en garde) comme le Maître viennois. Si vous voulez me joindre, ne me cherchez ni sur Facebook, ni nulle part : c’est moi qui vous reconnaîtrai, d’emblée, où que vous soyez, sur un atoll, une banquise, un désert, dans un bar, un wagon, une manif, une aire de repos, un parloir, et vous tendrai alors la main. Comment je ferai ? Ça c’est mon affaire et, quant à vous, borgne de votre propre royaume que vous êtes, ouvrez déjà l’œil et lisez… » Professeur Tybor Chtarbovski, dit Chtarbov

Jacques Lederer, né Jacques Pollak, d’une famille austro-hongroise décimée par la déportation, n’a échappé que de peu à celle-ci en 1942. Il a été OS en usine, représentant, steward à Air France, pianiste de jazz, rédacteur publicitaire à Europe 1, assistant-réalisateur, bibliothécaire. 

Extrait

L'action se passe durant un colloque de psychanalystes auquel participe le "professeur" Chtarbov.

Extrait 1.

« —   Gué-ri-son… Le concept toxique par excellence. Je ne suis pas psy mais je vais vous dire une bonne chose, Chtarbov : la guérison, elle vient par surcroît, une fois accompli le travail analytique ; n’est-ce pas ? demanda-t-elle à la grande prêtresse, je ne déforme pas trop la vérité ?

—   Le but de la cure, acquiesça celle-ci d’un ton las, est de remplacer la misère névrotique par un malheur ordinaire, et Monsieur Chtarbov le sait aussi bien que nous. Je meurs de faim, vous ne pourriez pas nous apporter une petite collation, Jacques ?

—   Quelle trouvaille ! s’exclama Chtarbov, passant outre l’interruption. Comment vous dites ? Guérir la misère par… par quoi déjà ? Par le malheur ?

—   Remplacer-la-misère-névrotique-par-un-malheur-ordinaire, merde !

—   Kitünö ! Nagyszerü ! Je veux dire magnifique ! Splendide ! Excusez-moi, mon hongrois revient au galop quand je suis violemment ému. C’est de vous ?

Aujourd’hui encore, il m’est impossible de savoir s’il ignorait réellement que la phrase était de Freud ou bien s’il jouait avec chacun d’entre nous comme il jouait avec les lettres du scrabble. »

 

Extrait 2.

« —   Devenir fou parce qu’on a lésiné sur le coût de la cure n’est déjà pas très réjouissant, mais quid si, le cœur empli de bonne volonté, l’on a sagement fait la démarche et qu’après une, deux, cinq, dix années et plus, l’on sent néanmoins sa raison s’échapper ? Quid si la bête de proie blonde qui loge quelque part en vous, ne faisait que sommeiller, sent désormais son heure venue et vient vous dire, à haute voix cette fois : « Finie la comédie ! J’ai FAIM ! ». Et de quoi donc peut bien avoir faim une bête de proie blonde, si ce n’est de chair humaine ? Représentez-vous bien la situation : vous êtes chez vous, seul dans la cuisine, à trancher des carottes en rondelles : tchac ! tchac ! tchac ! Sur la planche de bois ! fait votre grand couteau, tchac ! tchac ! tchac ! Il s’agit de toi… On croirait vraiment qu’il n’a fait que ça toute sa vie et, oui, c’est bien d’une vie propre que le voici soudainement animé ! Il a des émotions, ce vieux domestique si étrangement rajeuni, des amitiés, des idées, des projets et il se sent si bien dans votre main, il peut faire beaucoup mieux que ce petit échauffement préparatoire. Et voici que l’incontrôlable envie vous prend de l’empoigner, d’entrouvrir lentement la chambre des enfants et…

—   Assez ! Ça suffit maintenant !

Dame Léviath elle-même, qui s’était glissée incognito dans la salle, se dressait devant Chtarbov, frémissante de sainte colère.

—   C’est insupportable de… de…

On attendait « ?cruauté mentale ?» ou « sadisme », mais ce fut bien mieux :

—   … d’inculture ! Comment osez-vous citer Nietzsche pour étayer vos élucubrations pulsionnelles, sans le nommer, en plus ! Freud révérait Nietzsche et vous le savez parfaitement ; la bête de proie, ce n’est pas lui, c’est vous ! Un rongeur, un rat d’égout, une demi-merde, voilà ce que vous êtes ! Non, mais regardez-le : il n’est même pas… même pas blond !

—   Ainsi parlait Zarathoustrette… dit Chtarbov en levant une fois de plus les bras au ciel.

Pétrifiée, celle-ci trouva malgré tout la force de lui lancer un écrasant :

—   En plus, c’est pas comme ça qu’on donne un coup de couteau, mais de bas en haut, comme ça ! Amateur, va ! 

Puis elle claqua la porte. »

 

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CHTARBOV OU L’ASPIC ANALYSE : LA PSYCHANALYSE EN DOUBLE AVEUGLE Par Albert Bensoussan  dans Unidivers le 8 février 2022 

Chtarbov, le grand inventeur de la psychanalyse en double aveugleest un récit serpentin et venimeux où le rire éclate à chaque page. Jacques Lederer, qu’on suppose relié de quelque manière à l’analyse, y règle ses comptes, sinon avec les méthodes curatives, avec le « marasme existentiel » et le mal-être, dans un petit pamphlet des plus savoureux. lire la suite : https://www.unidivers.fr/chtarbov-psychanalyse/

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