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Gaxie, Jean-Pierre

L'Egypte de Franz Kafka. Une relecture

Cet ouvrage, singulier dès son titre, montre dans le détail d’une analyse minutieuse la présence de l’ancienne Égypte tant dans les fictions que dans le Journal et la Correspondance. Egypte, pour Kafka, reste un non-dit, de même que le mot Juif dans ses fictions, où même un Juif comme tel n’est jamais mis en scène. Judaïsme et ancienne Égypte n’auraient-ils pas chez lui, dans la même clandestinité, partie liée dans l’acte de la Terre promise ? 181 pages (2002) / ISBN 978-2-86231-178-4

Jean-Pierre Gaxie, né à Paris en 1941, a enseigné à Nantes où il a exposé un travail poétique en 1981. En 1983, il fait en Égypte, pays dit de la naissance de l'écriture, un voyage marquant. Il a publié par la suite Kafka prince de l'identité aux éditions Joseph K. en 2005.

Extrait

La postérité de l’œuvre de Kafka d’abord peut surprendre. D’autres œuvres en effet, sans se ressembler nullement entre elles, se sont écrites sous son ascendant. On peut citer Michaux, on peut citer Buzzati, on peut citer Borges, et encore Blanchot, et même Beckett. Parler d’influences serait trop peu dire. On indiquerait ce faisant une filiation, voire une dépendance, alors que, en l’occurrence, la dette contractée a pu paradoxalement libérer l’écriture des écrivains en question. De sorte que, si nombre d’œuvres majeures de ce siècle sont des impasses — celle de Proust, celle de Joyce, celle de Céline — vu les descendances parodiques qui sont les leurs (parce qu’elles ne font, malgré elles, sous couvert de les poursuivre, que les singer, seule façon peut-être de lever leur hypothèque) celle de Kafka a pu échapper parfois, sinon toujours, à sa propre défiguration. Et de là, mais autant à la suite de tous les malentendus possibles, revient sans doute cette amplification qui a fait que le vingtième siècle a pu être consacré « siècle de Kafka » — titre, on s’en souvient, de l’exposition présentée à Beaubourg en 1984.

Mais il y a autre chose. Il semble que certaines œuvres d’avant Kafka, et donc des siècles précédents, soient du Kafka avant la lettre, comme une enquête de Borges, Les précurseurs de Kafka, le donnait à penser. Ainsi peut-on songer à Pascal et à la condition du libertin ou de l’homme sans Dieu telle qu’elle apparaît dans les Pensées, comme Groethuysen ni Vialatte n’évitent pas de le faire. Pourquoi aussi ne pas alléguer Sade et les tortures qu’il met en scène, non moins que le verrouillage terrifiant du château de Silling des Cent vingt journées de Sodome ? Mais encore les visions de cauchemar du Mangeur d’opium de De Quincey, dans leur suggestion d’un infini dépravé, ne sont pas sans faire penser au monde de Kafka, tel que le lecteur ne manque pas de le postuler en lui-même. On pourrait croire qu’il s’agit là d’une illusion courante de lecture, proche en somme de l’hallucination, si une relecture des œuvres évoquées n’était, par le fait, rendue possible, les réveillant, pourrait-on dire, de la léthargie de leur renommée.

Ainsi en aval, mais encore en amont de sa publication, l’impact du texte de Kafka est-il rendu sensible, au point d’être estampillé. Dès lors, pourquoi le lire, pourquoi donc chercher à le connaître si on le reconnaît d’avance ? Et de fait, l’écheveau du texte — Odradek disons, car il y a cette fiction extraordinaire, qui répond de l’œuvre, dans le conte intitulé Le Souci du père de famille — est entré dans le sommeil sous le poids des exégèses... Ces exégèses, en vérité, dans leurs partis pris, défendent plus qu’elles ne facilitent le libre accès à l’œuvre. Les contradictions qui existent entre elles peuvent certes ouvrir les yeux mais découragent la plupart du temps, dans leur entreprise de captation du texte, d’aller y voir soi-même, comme à la fin des Chants de Maldoror, le recommandait à juste titre Lautréamont, lui aussi d’ailleurs exégisé à outrance.

Si l’on fait le compte, si l’on passe en revue la théorie — le rouet théorique — des interprétations, on peut dire qu’il y eut d’abord, de manière inaugurale, l’interprétation théologique de Max Brod, celle en somme qui fait de Kafka un saint et de son texte une vulgate. En même temps qu’elle sacralise l’auteur, elle fanatise le texte, c’est-à-dire qu’elle le présente comme un absolu et non comme la tentative qu’il veut être en et par lui-même. Et de fait, selon Dora Diamant, sa dernière compagne, Kafka avait coutume de dire : « Toute mon œuvre est un exercice. »

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Cet ouvrage singulier dès son titre - qu'ont à voir Kafka et son œuvre avec l'Égypte ? - montre dans le détail d'une analyse minutieuse la présence de l'ancienne Égypte tant dans les fictions que dans le Journal et la correspondance. Égypte, pour Kafka, reste un non-dit, de même que le mot Juif dans ses fictions, où même un juif comme tel n'est jamais mis en scène. Judaïsme et ancienne Égypte n'auraient-ils pas chez lui, dans la même clandestinité, partie liée, comme ils ont eu partie liée dans l'acte fondateur de la Terre promise ? C'est ce que tente de montrer l'auteur dans l'étude du parcours, à toutes les étapes, de l'écrivain praguois.

Jean-Pierre Gaxie, né à Paris en 1941, enseigne à Mantes où il a exposé un travail poétique en 1981. En 1983 il fait en Égypte, pays dit de naissance de l'écriture, un voyage marquant.