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Frédéric Joignot

Zoographie

En librairie le 2 février 2024

Autant appeler tout de suite un chat un chat, ce livre est un roman autobiographique contant des rencontres de toutes sortes avec quantité d’animaux, poules, coqs, araignées, chiens-loups, chevaux, brebis, chats, merles, mouettes, agneaux, truites, et même escargots : une zoographie – du grec « zôion » (animal) et de « graphô » (écrire). Première du genre, chacun d’entre nous pourrait raconter la sienne, évoquer comment, minuscules, magnifiques, amicaux, effrayants, succulents, ils nous ont bouleversés, fascinés, séduits, parasités, terrifiés, rendus malades, nourris, fait philosopher, eux, les animaux, les non-humains, les familiers différents, les étrangers à demeure, nos compagnons et nos ennemis de l’intérieur, les héros de nos mythologies, nos anciens dieux et nos souffre-douleur – les animaux qui disparaissent aujourd’hui de plus en plus rapidement et sûrement de la surface de la Terre...

Responsable du service culture de Libération, rédacteur en chef d’Actuel puis cofondateur du Monde Magazine, Frédéric Joignot a été grand reporter et a créé plusieurs journaux et revues. Témoin de notre époque, il est l’auteur de romans et d’essais remarqués, dont Avatars (Flammarion), Gang Bang (Seuil), Maladie d’Amour (Nova Editions) et L’Art de la ruse (Tohu Bohu)... 

Coll. Lettres Nouvelles. 978-2-86231-539-3  192 p. 19 €

Image de couverture : Marie-Jo Lafontaine, série I love the world, A Galerie, Bruxelles, Belgique

 

Extrait

« Mon éducation sexuelle mioche débuta entre les assauts du coq Murat et les  montes sauvages du verrat Lino Ventura, l’ardeur des béliers et le rut des chevaux, sans oublier les métamorphoses alarmantes de la douce Milady, rampant en feulant à déchirer les tympans, vampant et se battant avec des chats enragés qui l’escaladaient en hurlant comme des assassins, tandis qu’elle se contorsionnait, liane de fourrure, miaulant suraigu, affreusement belle – je me demandais terrifié : « Est-ce que les filles font comme ça aussi ? »

Trois mois plus tard, j’habitais chez Chat – ou plutôt chez Pivoine, le nom de la brassée de fleurs achetées par Béné ce jour-là. J’étais devenu l’Humain de service. Je préparais ses repas, nettoyais sa litière, remplissais son bol, lui installais plusieurs coussins dans l’atelier, achetais des jeux pour chat, des vermifuges pour chat, des pâtées pour chat. La servant avec joie ! Dévotion ! Heureux de l’avoir arrachée à la rue et de la regarder vivre. Pivoine... La grâce féline même, élans joueurs, sieste bouddhiste, «?yeux mêlés de métal et d’agate?». Elle participait à chaque repas chaise adjugée, exigeante en friandises. Elle prenait toute une série de poses graphiques sur des tissus graphiques, d’où elle était indélogeable quand elle reposait. Elle épongeait nos états d’âme avec un collé collé au regard d’or, étalée sur nos genoux. J’ennuyais la princesse, trois vives frappes de patte, feu craché, et gare à ses griffes, risque sanglant. Six mois plus tard, Bené protestait. « ?Nous formons un couple à trois avec Pol Pot ! ». Ça, Pivoine était exigeante sur l’emploi du temps. Chahut à 6 heures tapante pour éveiller la maisonnée, jeux bondissants, sieste sur cuisses quand nous écrivions nos articles pour Libération, miaulade têtue pour faire ouvrir les fenêtres menant à la cour ou aux toits, ses terrains d’aventure... Un tyran affectueux, mais ferme. Nous éprouvions la confuse sensation de travailler dur pour que Pivoine se la coule douce toute la sainte journée. Nous capturions sa grâce, elle nous domestiquait. C’était notre contrat.

« Sa femme arrive, portant un poêlon plein d’un mélange d’oignons coupés, gousses d’ail, basilic, fleurs de thym. Vivement, elle le place sous la tête de l’agneau. Alors lentement, sans trembler, son époux égorge l’ange blanc d’un large geste circulaire. J’ai entendu grincer les veines sous le métal. Le sang a jailli. Les soubresauts de l’assassiné faisaient trembler mes mains, toute son ardeur passait en moi. Je pleurais sans le lâcher, des larmes que je croyais de sang, que je retenais tant que je pouvais n’osant rien montrer aux deux fermiers qui maintenaient avec une gaieté sombre la tête dégoulinante au-dessus du bouquet garni. Ce fut ma première expérience directe de la mort... »

« En ces années 2020, l’immense majorité, 80 %, des 800 millions de poulets de chair (essentiellement des poules) élevés chaque année en France vivent entassés dans des hangars géants, disposant chacun de l’espace d’une feuille A4. Une existence format réduit pour des oiseaux affectueux, nerveux, actifs et bavards, aux sens aiguisés de dinosaures (ouïe fine, regard perçant...), au riche répertoire bien décrit par les éthologues – la poule « claquette » avant la ponte, « cagnette » pendant, « crétele » après, « clousse » quand elle couve, « cloque » pour rassurer sa progéniture, ou encore elle « cocaille », « coclore », « caquète », « coucasse », un langage diversifié, expressif, calculateur, parfaitement adapté à une existence en plein air. Vous l’imaginez, cette créature vive et sensible, au milieu de dix mille autres, hurlant sur sa feuille de 21 cm, cet oiseau génétiquement modifié par la zootechnie pour produire de la protéine en masse, morphotype de gallinacé aux ailes atrophiées, au squelette surdimensionné, engraissant de cinq kilos en deux mois ? Bec brûlé au fer, pattes déformées par son poids, ce « poulet de chair » (fade, filandreux, bourré d’antibiotiques) vit six semaines – dans une cour de ferme, ils vivraient six à dix longues années. Aux États-Unis, producteur number one de viande de poulet au monde, 97 % des bêtes sont parquées en batterie.

 

 

 

En savoir plus...

Jean-Luc Porquet dans le Canard enchaîné du 27 mars 2024

"ENCORE un énième bouquin lambda sur les animaux ? Non. Frédéric Joignot, journaliste-écrivain à multiples têtes chercheuses, nous livre ici un récit fort original, et sensuel, et passlonné. Le récit de ses rencontres avec le monde animal. (...)  Puis la découverte émerveillante de l'« immense pays lilliputien » des insectes. Celle, traumatisante, du sexe : « Tu m'as l’air dégourdi, toi. Viens donc nous aider mon gars, on mène la truie à Lino Ventura. » Lequel verrat monte une truie sous les yeux effarés de l’enfant, qui commence ainsi son éducation érotique. Suivront d’autres fortes rencontres, comme celle, cosmique, avec un escargot, en plein rassemblement estival sur le plateau du Larzac (1974) : sous l'effet du cannabis, l’auteur marche nu dans la garrigue et, stoppé net par la vue du gastéropode, éprouve un înoubliable « tournis coquillagique »... Une écriture festive, des petites phrases ciselées, animées, animales, jouisseuses, une curiosité jamais assouvie assise sur une vaste culture chamarrée, et une gravité, parfois, qu’on ne lui connaissait pas. La sixïème extinction a commencé..."

Mariane : voir l'article de Eve Charrin en entier. (6 mai 2024)

extrait : "Côté volaille, Frédéric Joignot rend hommage aux « victimes de la zootechnie bouchère », « ces 64 milliards d'oiseaux vivants sur Terre qui seront tués puis dévorés en une année ». Marqué par la caquetante poule Lola qui nichait autrefois sur son épaule, l'auteur de Zoographie  mesure l'étendue du désastre : « La machination contre le vivant s'achève, note-t-il. Lola, ma joueuse Lola, mon petit dinosaure volant, l'amie de mon enfance, tu es devenue l'oiseau de la fin du monde. » Extinction d'un côté, exploitation de l'autre... Apocalyptique, la prose animalière ? Non, les écrivains contemporains saisissent aussi la part lumineuse. Bonne nouvelle, le lien intime que nous entretenons avec nos animaux familiers n'est plus tabou."

Jean-Louis Marzorati chronique "Zoographie" avec un article titré "BESTIAIRE AMOUREUX" dans le trimestriel WE DEMAIN de décembre 2023.

En écrivant dans les premières pages « Autant appeler un chat un chat, ce livre est une biographie focalisée sur l’histoire pleine de rebondissements de mes relations de toutes sortes avec quantité d’animaux », l’auteur évite au chroniqueur le dévidage d’un fil rouge, permettant ainsi d’entrer de pleine patte dans cette zoographie « rieuse et tourmentée». Initiatrice prodigue, la campagne du Val-de-Marne, terreau de l’enfance, où tout a commencé avec la poule Lola, sa « meilleure amie... petite personne emplumée qui parle une langue poule pas si compliquée ». Mais qu’un rival féroce et possessif, le coq Murat, lui arrachera. La campagne, c’est aussi la découverte d’un monde lilliputien, celui des araignées, hannetons, coccinelles, limaces, lombrics. Celui des fourmis pour lesquelles le petit Frédéric se prend de passion. La campagne, ce sera surtout l’initiation au sexe et à la mort. Le sexe, le jour où il aide un vieux paysan à «mener la truie à Lino Ventura», un verrat de 400 kilos, et qu’il le voit « défoncer » - terme utilisé par le fermier - la femelle. « J’entrais dans le monde adulte, une réalité cruelle et sauvage... Mon éducation sexuelle débuta ainsi. » La mort, le jour où il est invité dans la ferme voisine à venir « manger la galette de sang » et, pour cela, aider à tenir les pattes arrière de l’agneau terrifié pendant qu’on l’égorge et que son sang gicle directement dans le poêlon tendu par la cuisinière et déjà garni d’huile, d’oignons, de thym, de laurier et de lardons. « Ce fut ma première expérience directe de la mort... J’allais devoir vivre avec elle... » Mais c’est surtout, à 13 ans, le saisissement ressenti en apprenant que la poule au pot servie à la table familiale était le sort réservé à Perrine, autre poule bien-aimée, et qui « bouleversa mes relations aux animaux, à la cuisine... ». Ces relations vont désormais tenir une place fondamentale dans sa vie personnelle comme professionnelle (journalisme). Et nous valoir, dans ce livre, un panachage foisonnant d’anecdotes cocasses ou touchantes (la grand-mère déménagée de force dans un Ehpad et privée ainsi de sa chatte Tagada), et de morceaux de bravoure encyclopédiques et passionnants, sur les origines millénaires des chats animaux de compagnie ; sur Voltaire, précuseur des défenseurs de la cause animale et des végérariens ; sur « le rythme vertigineux du rétrécissement massif des populations d’oiseaux »... Et pour les séquences personnelles, c’est écrit cru : Frédéric Joignot appelle une chatte, une chatte...

Daily Passion : voir l'article de Noé Gaillard en entier. (4 mars 2024)

exrait : "Un roman sans doute par le fait que l’auteur nous raconte la prise de conscience du monde par un personnage qui dit ‘Je’ et est prénommé ‘Dom’ par au moins deux autres personnages. Une prise de conscience effectuée par le biais de sa relation directe ou indirecte aux animaux. Mais un roman étrange où l’auteur, Frédéric Joignot, mêle ce qu’il sait journalistiquement des animaux dont il parle et ce qu’il a vécu avec les animaux et les humains qu’il a connus, mêlant la zoographie de Dom à la biographie de Frédéric. Le tout dans un ‘joyeux’ emmêlement du temps qui fait, par exemple, passer du post 68 au Covid. Le style est ‘baroque’, à l’image du roman et mêle selon les sujets (voir la table des matières et ses 26 chapitres pour 177 pages) des expressions modernes : « je la calculais » et des synonymes précis comme ‘harpailler’ pour injurier, ou décline un vocabulaire scatologique ou érotico-pornographique nourris d’animalité… ou encore ces mots d’accents qui renvoient à une région particulière (Macarel !). On y apprend des choses sur les chats égyptiens et sur les abattoirs qui ont inspiré le Ford inventeur de la chaîne de fabrication."

Trente millions d'amis consacre une note de lecture à Zoographie. Voir l'article en ligne :

"L'histoire haletante, haute en couleur, parfois comique, de l'auteur racontée à travers ses aventures avec les animaux qui croisent sa route. Poules, coqs, fourmis, araignées, chats, merles, truites, cochons, chevaux, agneaux, brebis, et même escargots, ils sont nombreux, car le héros de ce récit a d'abord été un garçon de la campagne découvrant la sexualité et la mort les voyant vivre, avant de devenir un grand reporter passionné par la zoothérapie, l'intelligence animale, le végétarisme de Voltaire, l'animalisme de Michelet, et les histoires extraordinaires d'animaux...
Mais cette zoographie, qui témoigne de l'omniprésence et de l'importance des non-humains dans nos vies humaines, mais aussi des virus que nous partageons, des extinctions que nous provoquons, appelle à une prise de conscience face au sort tragique réservé aux autres espèces, elle se teinte bientôt d'un sentiment d'effroi, et se transforme presque malgré elle en requiem..."

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