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Silberzahn, Olivier

Journal d'un nageur de l'ère post-Trump

Oeuvre de politique-fiction cyber-politico-natatoire, Journal d’un nageur de l’ère post-Trump met en scène le scénario catastrophe économique et social des années 2017-2025 qui pourrait débuter ainsi : Marine Le Pen vient d’être élue Présidente. Via internet, chacun reçoit son information de sa bulle et la personnalisation extrême des contenus signe la fin de tout consensus possible. Dans une société post-factuelle soumise à l’influence sans limite des réseaux sociaux, la vague populiste déferle sur notre monde, désormais dirigé par Trump, Poutine, Erdogan, Marine Le Pen… et autres leaders à forte poigne. Sous l’autorité de ces nouveaux dirigeants, la démondialisation, déjà entamée en 2015, s’accélère, et entraîne notre monde dans une spirale infernale, dont peu avaient prédit les conséquences. Les murs s’érigent aux frontières, la France abandonne l’euro et est frappée par une vague d’attentats sans précédent, l’Europe se disloque, le réchauffement climatique s’accélère, l’énergie se fait rare et les villes sont de plus en plus dangereuses. Est-ce la fin de l’humanité qui s’annonce ? Quoi qu’il en soit, imperturbable, le nageur continue de nager. Sauvera-t-il le monde ?

L’auteur, Olivier Silberzahn, est nageur et ingénieur polytechnicien. Il travaille depuis plus de 25 ans pour de grandes sociétés informatiques, françaises et internationales, récemment dans le domaine du Cloud et du Big Data. Journal d’un nageur de l’ère post-Trump est son premier roman.

Extrait

Extrait 1 : « Nager me rajeunit. Portés par l’eau, les articulations épargnées par les chocs, les muscles peuvent exprimer leur puissance, le coeur et les poumons irriguent la machine – car les bronches ont résisté sans dommage à toutes ces années d’inhalation de chloramines. Nous venons à la vie en nageant dans le liquide amniotique, et l’eau du baptême vient symboliser la naissance spirituelle. L’immersion ensuite nous lave de nos péchés, de nos souillures. Et par le bain de jouvence nous rajeunissons, au sein de l’élément liquide, matrice originelle dont est issue et dont est majoritairement formée toute forme de vie sur terre. Nager n’est qu’un retour à notre condition la plus primitive, celle de notre foetus, et celle aussi de nos lointains ancêtres amphibiens sur cette planète – une réappropriation de ce milieu idéal, univers de fluidité et de légèreté, qui nous libère des affres de la gravité, et de la brutalité sèche du monde terrestre. Nager, c’est voler au-dessus des eaux. Penser n’est possible qu’en nageant, mais aussi, on finit nécessairement par penser comme on nage. On devient ce que l’on nage. »

Extrait 2 : « Internet avait signé la mort sûre et rapide de la presse écrite et de la messe du journal de vingt heures à la télé, qui au fil des décennies avait forgé dans le pays une perception commune du monde, et par là-même une identité nationale. Tout ceci était fini. Aujourd’hui, plus personne ne regardait la télé ou ne lisait les journaux pour s’informer. Chacun recevait son information de sa bulle, de ses réseaux sociaux, de son newsfeed personnalisé, de ses flux RSS, de ses amis virtuels ou réels… Ce qui faisait la force des médias numériques, les personal medias, par rapport aux mass media d’antan, c’est-à-dire la personnalisation extrême des contenus, signait la fin de tout consensus possible au sein de la société. Google, Facebook et les autres étaient certes rigoureusement neutres, mais envoyaient à chacun un contenu parfaitement filtré et calibré pour plaire, supprimant toute information qui pourrait nous contrarier, optimisant ainsi leur audience et leurs revenus publicitaires, mais détruisant toute base commune de connaissance, ce common knowledge sans lequel aucune communauté humaine ne saurait faire société. Même les faits les plus élémentaires pouvaient être contestés par des franges grandissantes de la population, chacun croyant dur comme fer à des convictions en permanence renforcées par les flux incessants de sa bulle informationnelle... »

Extrait 3 : La première chose qu’avait faite Trump en arrivant au pouvoir avait été de dénoncer les accords du TTP, l’accord de partenariat transpacifique, qui visait à intégrer les économies des régions Asie-Pacifique et Amérique. Mais évidemment, l’Europe, puis la France avaient rapidement suivi la voie de la dénonciation systématique des accords de libre-échange. Le CETA, le TAFTA n’étaient plus que de lointains et désuets souvenirs. Philippot, au mépris de tous les accords européens, avait même imposé des droits de douane aux pays de l’Est de l’UE, Roumanie, Pologne, Bulgarie, et même à l’Irlande… tous accusés de dumping social ou fiscal. Pareillement, dénonçant les accords passés entre l’UE et différents pays, la France avait imposé des barrières douanières importantes aux pays africains et asiatiques, accusés de dumping social ou environnemental. Évidemment, l’UE, le Parlement européen et la Commission, étaient furieux, mais à part imposer des amendes que Paris refusait de payer, et menacer la France d’une exclusion de l’Union que de toute façon le Gouvernement souhaitait, ils ne pouvaient à vrai dire pas faire grand-chose.
En quelques mois, l’écheveau complexe d’accords patiemment tissé entre les nations au fil des décennies passées avait été brutalement dénoncé par les uns et les autres. Le Brexit n’avait été que le précurseur d’un mouvement bien plus vaste et global, et il était clair que désormais c’était chaque pays pour soi. Les échanges se réduisant comme peau de chagrin, et les pays pouvant de moins en moins exporter, chacun devait à son tour imposer des taxes par mesure de rétorsion, et fermer ses frontières pour ne pas mettre en péril mortel sa balance commerciale : la spirale démondialiste était engagée, la guerre des tarifs douaniers battait son plein, et il ne se passait plus de semaine sans que tel ou tel pays mette en place de lourdes taxes sur tel ou tel produit de tel ou tel autre pays. Même avec l’Allemagne, notre grand partenaire commercial traditionnel, un pays que de toute évidence on ne pouvait guère accuser de dumping environnemental, fiscal ou social, les tensions étaient à leur comble. En vérité, une hostilité extrême caractérisait les relations entre les trois femmes qui dirigeaient désormais l’Europe : Merkel, réélue pour un quatrième mandat fin 2017, Le Pen et May. La politique de Merkel face aux vagues de migrants, ouverte et accueillante, était aux antipodes même des valeurs xénophobes de Le Pen, tandis que le libéralisme et le mercantilisme exacerbés de Theresa May choquaient Merkel presque autant que Philippot et Le Pen.
Les premiers à crier victoire avaient été les agriculteurs, trop heureux de ne plus avoir à subir la concurrence déloyale des pays étrangers pour leur production. Mais ils durent vite déchanter lorsque l’Europe, par mesure de rétorsion vis-à-vis de la France, décida de mettre brutalement et logiquement fin à la Politique Agricole Commune, ce monstre financier qui consommait l’essentiel des ressources budgétaires européennes, et que les autres États de l’Union n’avaient consenti à maintenir en vie que sous la pression constante des lobbyistes français qui s’étaient succédés à Bruxelles depuis des décennies. En quelques mois, ils réalisèrent à quel point ils dépendaient des dix milliards de subventions de la PAC, dont ils avaient été les premiers bénéficiaires en Europe. Leur niveau de vie chuta dramatiquement, alors même que les prix de leurs produits augmentaient sur les marchés, privés de la concurrence des produits étrangers bon marché : la hausse des ventes locales était loin de compenser la baisse des subsides européens conjuguée à la perte des marchés d’exportation.

En savoir plus...

Découvrez une excellente critique d'Antoine de Caunes, dans son émission de Canal +, sur le blog de l'auteur :

http://silberblog.graphz.fr/le-journal-dun-nageur-a-la-tele/

Voir aussi le tweet:

https://twitter.com/emissionantoine/status/848227517823680514

REVUE DE PRESSE

"Le roman à lire absolument avant de voter à la présidentielle" (Contrepoints)

"le scénario-catastrophe de ce Journal d’un nageur de l’ère post-Trump, astucieusement agencé,
sinistre et drolatique, ironique et dramatique, signe l’entrée en littérature d’un auteur qui rame à contrecourant
de la déferlante populiste" (La Croix)

"Un récit tendu comme une corde à piano, vif, tonique, d'une intelligence et d'une lucidité éblouissante" (Antoine de Caunes)

"Un livre original, à lire avant -ou après- le 7 mai" (La Tribune)

 

CRITIQUES

HUMEUR DE JÉRÔME GARCIN

L'Observateur du 4/10 Mai 2017

Le 7 mai, Marine Le Pen battra Emmanuel Macron et sera élue présidente de la République. C'est le postulat d'une dystopie publiée le 21 mars dernier et signée Olivier Silberzahn, qui est un esprit sain dans un corps sain. Polytechnicien, ingénieur en informatique, il pratique en effet la nage à la manière, opiniâtre et méthodique, des champions du bassin. Avec ce thriller horrifique de politique-fiction, qui est son premier roman, le cyber-crawler ne pronostique pas seulement la victoire de Cruella d'Enfer, il en décline toutes les conséquences dans un monde démondialisé sur lequel régnent déjà les loups-garous Trump, Poutine et Erdogan. Très vite, la France de Mme Le Pen abandonne l'euro, édifie des murs à ses frontières, devient le siège d'attentats gigantesques, ouvre des camps d'internement pour les fichés S et rejoint ses alliés américain et russe pour mener une croisade hallucinée contre l'ensemble des pays arabes. Arasée par les guerres, brûlée par le réchauffement climatique, privée d'énergie, toute l'humanité vacille.

De mai 2017 à avril 2025, ce « Journal d'un nageur de l'ère post-Trump » (Maurice Nadeau, 14 euros) est donc un effrayant scénario-catastrophe. Effrayant, parce qu'Olivier Silberzahn, professionnel du cloud et du « big data », n'écrit rien qui ne soit plausible. Chacune de ses phrases est un algorithme doublé d'un syllogisme. Chacune de ses hypothèses, une projection raisonnée. C'est pourquoi son livre est d'une telle force. Impossible de ne pas penser à Michel Houellebecq, dont le premier roman, « Extension du domaine de la lutte », où un informaticien abdiquait devant une société déshumanisée, avait paru aux mêmes Editions Maurice Nadeau. En prime, chez Silberzahn, un éloge de la nage à contre-courant. Son héros et narrateur, équipé de longues palmes en fibre de carbone, qui vit dans la « swimosphère » comme d'autres habitent la fachosphère, la gauchosphère ou la cathosphère, va fuir, dè lacs en fleuves, la France lepéniste et se réfugier en Allemagne, où il travaillera à la reconstitution électronique du cerveau humain.

Le nôtre travaille aussi enlisant cette fable d'anticipation dotée, Dieu merci, d'un féroce humour noir et d'un « glossaire cyber-politico-natatoire », plein de blockchain, drafting, DDoS, pull bucy, SGBD et autres flux RSS. Bref, dans ce Journal d'un baigneur geek, il y a le pire : l'apocalypse demain, et le meilleur : un écrivain nous est né. Silberzahn, c'est Voltaire réincarné dans le corps de Manaudou. J. G.

 

LA CROIX

Date : 16/03/2017

Journaliste : JEAN-CLAUDE RASPIENGEAS

Une riche livraison de fictions électorales

Plusieurs romans récents s'inspirent de l'élection présidentielle de 2017 pour décrire une France livrée au cynisme, en pleine crise de confiance démocratique. (...)

À contre-courant

Dans cette livraison de fictions électorales, la palme de l'originalité revient à un premier roman envoyé par la poste, publié chez Maurice Nadeau. Il est l'oeuvre d'un polytechnicien, ingénieur en informatique, excellent nageur de son état. C'est d'ailleurs dans l'eau, occupé à coordonner ses mouvements pour améliorer ses performances, que lui viennent ses idées sur le sombre avenir d'une France qui a élu le squale Marine Le Pen, comme les États-Unis le requin Trump.

D'une ligne à l'autre du bassin où il perfectionne ses gestes, son héros décrit ses déboires, son licenciement, sa vie privée qui prend l'eau, les conséquences mortifères du choix populaire et l'abîme où plongent les pays qui ont réclamé la démondialisation. Cerveau scientifique, il s'appuie sur des thèses macroéconomiques pour démontrer les méfaits dramatiques d'un tel aveuglement général, la déliquescence de la société, son propre délitement.

Murs aux frontières, dislocation de l'Europe, accélération du réchauffement climatique, attentats à répétition, le scénario-catastrophe de ce Journal d'un nageur de l'ère post-Trump , astucieusement agencé, sinistre et drolatique, ironique et dramatique, signe l'entrée en littérature d'un auteur qui rame à contre-courant de la déferlante populiste. Retenez bien son nom : Olivier Silberzahn.

 

SHANGOLS CANALBLOG 4 AVRIL 2017

Un premier roman impressionnant, à la fois taquin et prophétique. Silberzahn est ingénieur en informatique, et profite de sa science en la matière, qu'il a vaste, pour tricoter un petit essai sciencefictionnel assez pointu et très crédible.

L'histoire commence en 2017, lors de l'élection de Marine Le Pen à la présidence de notre beau pays du fromage et des droits de l'Homme. Une élection que le narrateur du bouquin prend avec philosophie : lui préfère faire des longueurs de piscine dans son équipement high-tech, ou traverser des lacs en solitaire. Ainsi, d'années en années, il raconte la lente spirale de destruction du monde, qui démarre à partir de cette élection (et à la suite de celle de Trump, de Poutine, de May). Le monde, peu à peu, devient un chaos, sous les coups de bélier de la dé-mondialisation, de la fermeture des frontières, du repli sur soi. Sans jamais tomber dans le catastrophisme et le bon sentiment, le gars démontre, par les chiffres, par la technique, par des considérations géo-politiques souvent pointues, la déréliction du monde tel que nous le connaissons, et l'avènement d'une nouvelle race d'hommes, remplaçant l'Homo sapiens actuel : l'Homo augmentus, hyper connecté, enfermé dans ses "bulles informationnelles" qui le sépare de plus en plus de la vie, complètement asservi aux objets et à l'argent, complètement à la merci des grands enjeux politiques. Le constat est effrayant, et on voit avec beaucoup de lucidité comment un fait politique, comment une poignée d'hommes incompétents, peuvent détruire la société... mais, et c'est là que le roman est le plus terrible, cette société donne place à une autre, sûrement plus froide, sûrement plus sécuritaire et fasciste, mais une autre, vivable et potentielle. L'avènement de Le Pen n'est en fin de compte qu'un prétexte à la description d'un monde qui, à force de jouer avec l'argent abstrait, l'effacement des frontières, le péril écologique, la multiplication des réseaux, ne voit pas sa perte venir. La fin du bouquin est glaçante, et notre narrateur se verra errant comme un fantôme à la surface d'un lac, désormais sans origine et sans but. L'écriture de Silberzahn n'est pas facile, très technique, et son roman prend souvent l'aspect d'un essai géo-politique assez ardu. Mais malgré ça, on suit avec angoisse ce suspense à grande échelle, convaincu qu'on tient là un livre qu'on lira dans 20 ans en se disant que le gars avait tout prévu. La grande idée est d'avoir fait de cet ingénieur houellbecquien un nageur, ce qui lui donne une grande distance et une certaine froideur dans sa façon d'aborder les choses.

Un peu de cynisme pointe son nez ça et là, mais comment en vouloir à l'auteur, quand il s'agit de décrire un monde monstrueux et de tenter de le comprendre ? C'est décidé, dès demain je me déconnecte de Facebook et je me mets à la brasse.

 

GALAXY NATATION

JOURNAL D’UN NAGEUR DE L’ÈRE POST-TRUMP

Posted on 19 mars, 2017 in Livres

Éric LAHMY

Dimanche 19 Mars 2017

LIVRE

Lorsqu’Olivier Silberzahn, un ingénieur issu de Polytechnique, me proposa de m’envoyer son livre, le titre était assez intrigant pour moi pour que j’accepte avec

intérêt. Pourtant, je me méfiais. Pas de lui, de moi. A force de ne vouloir lire que des chefs d’oeuvre de la littérature, je risque trop d’être excessivement sévère avec un premier ouvrage qui ne prétend pas renouveler Proust.

Nageur et ingénieur, le mariage avait de quoi aiguiser ma curiosité, et le mélange des genres, entre virages en natation et tournants de la politique états-unienne, que ce titre promettait, n’était pas pour me déplaire… Sur ce plan, son livre me parut réussi. Silberzahn m’a beaucoup appris. Ainsi pourquoi je n’aime pas nager dans les piscines françaises. C’est quelque chose que je n’arrivais pas à justifier. Grâce à lui, je sais maintenant que nos piscines ne sont pas partagées entre le public et les écoles par peur des pédophiles ! Vous y auriez pensé ? Les baigneurs, de ce fait, expulsés des créneaux de natation scolaire, se trouvent compressés dans les rares heures et le peu de lignes qui leur sont réservées, quand dans d’autres pays, en jouant avec les horaires, je parviens à nager dans des lignes d’eau moins fréquentées. Etonnez-vous, après ça, des déficits des piscines, et soyez en persuadés : nous ne sommes plus, depuis longtemps, le peuple le plus spirituel du monde !

Il y a des choses dans lesquelles je me retrouve dans son texte. Par exemple son agacement devant la crainte folle de notre époque face au moindre risque pris, qui débouche, pour le nageur, sur l’interdiction de nager de superbes plans d’eau libre. « Pourquoi déresponsabiliser les citoyens et restreindre leur liberté au nom de la défense de leur sécurité ? » Tentative de réponse ? Parce que l’accident PUBLIC nous est insupportable. Pendant ce temps, 20.000 personnes meurent chaque année d’accidents domestiques, mais cachés, personne ne les voit, donc ils n’existent pas. L’auteur obéit à ce que j’appellerais un principe de révolte, très français, voire franchouillard, mais qui me convient parfois assez bien. Par exemple contre l’interdiction du short de bain et l’obligation de porter un bonnet de bain, même pour les chauves, et dans lesquelles il voit « le symbole d’une société toujours plus policée, toujours plus réprimante, liberticide, qui, croyant se sauver, court à sa perte en sacralisant le principe de précaution et la pseudo-hygiène, au détriment de la liberté et du goût du risque. » En colère, n’est-il pas vrai? Ce n’est pas tout. Apnée interdite, plongeons éliminés du décor des piscines, remplacés par des toboggans bien policés. « Au bout de dix ans, ils ont réussi à dégouter et anesthésier toute une jeunesse, qui doit maintenant chercher sa dose d’adrénaline dans des pratiques autrement dangereuses. »

Très vite, le livre prend son rythme, et il devient évident, je l’ai dit, que la natation, quoiqu’excellement traîtée, y est un prétexte, un sujet marginal. Je ne dis pas qu’elle n’est pas importante dans l’esprit de l’auteur, qui connait très bien le sujet.  Mais son héros aurait pu jouer au golf, à la canasta, aux échecs ou s’exercer au tir aux pigeons que presque rien n’eut été changé ou presque à son histoire.

Le sujet central du livre ? C’est une assez ironique fiction politique. Partant de l’élection de Donald Trump, déjà acquise, et passant à celles, jusqu’ici imaginaires, de tous les représentants de l’extrême droite européenne, en France, en Autriche, et ailleurs, Olivier nous mitonne un scénario-catastrophe dont je ne puis trop vous dire où il va nous mener de crainte de vous gâcher le suspense. Je ne sais pas trop ce qu’il pense en vrai de l’époque, Silberzahn. Partage-t-il la colère populaire qui étreint l’occident ? Oui et non, il est comme tout le monde, Olivier, il se positionne en fonction de ses aprioris.

Ce qui me parait clair, c’est, dans l’eau comme sur terre, qu’il pratique la hardiesse du propos. Quand il évoque le style du nageur, je songe à la théorie du « nager vilain » de Romain Barnier, aux tests de nage « panique » de survie, de Guennadi Touretski, ou encore à cette définition de la performance sportive vue par Lacan, « exploit dérisoire dans une situation d’égarement. » Silberzahn ne se propose-t-il pas, en effet, de « faire le contraire de ce style idéalisé que l’on trouve dans tous les manuels, mais que tant de champions ne pratiquent pas dans la vraie vie quand ils se battent pour la gagne » ? Et d’affirmer : « à un moment, il faut savoir montrer à l’eau qui est le maître. » Pourquoi pas ? Quelquefois, ses protestations ont quelque chose de loufoque dans le genre beauf, franco-français. Ne voilà-t-il pas que ce nageur d’eau libre diatribe contre, « aux Etats-Unis, leurs foutus bassins de 25 yards, qui ruinent tous les repères chronométriques », comme si le nageur de mer, le lac et de cours d’eau faisait si grand cas du chrono, et comme si le convertisseur yards-mètres de Speedo n’existait pas, allons, allons !! Je ne sais trop si vous aimerez le scénario d’improbable fin du monde (et de début d’autre chose) imprégné de technologie que propose l’auteur. Raconter l’histoire de la planète entre 2017 et 2022 exige une certaine ambition et un goût de la sciencefiction, mais elle m’aurait mieux accroché si racontée par un être vivant ; or ce héros a quelque chose de mécanique, il vous expose le crépuscule d’une civilisation, voire le drame d’une espèce avec des accents d’une neutralité telle que, par comparaison, Meursault, l’étranger de Camus (autre nageur) ferait figure d’hyperémotif.

Parfois jubilatoire, parfois farfelu, parfois convaincant, parfois fâcheux, j’ai eu après cinquante pages l’impression de m’appuyer une thèse, une oeuvre de futurologie à la Alvin Toffler (Le Choc du Futur, La Troisième Vague) mâtinée de fantaisie: Le Schnock du Futur, si vous préférez.

L’auteur est à son meilleur dans l’analyse. Il actionne avec un plaisir non dissimulé les mécanismes qui nous conduisent vers l’issue surprenante qu’il nous a préparée. Sans se soucier de psychologie : ce ne sont que mouvements de masses, de nations, de populations contre populations, comme à la parade. Et au milieu de ce tohu-bohu, incapable de la moindre introspection, le personnage perd son job, nage, crève de faim, nage, fuit des drones tueurs, nage, vit (et nage) avec une fille, puis une autre, les quitte sans émotion, après analyse objective de la situation, décidément rien ne l’atteint. Bouddhiste ? Il nous l’aurait dit. Autiste, je croirais. Un calme plat des sentiments. L’homme de Silberzahn est un robot. Mais un robot pensant. Et nageant, je vous le concède…

C’est dans l’eau que cet être sec trouve un peu d’humidité : sa part d’humanité ?

Olivier Silberzahn, Journal d’un nageur de l’ère post-Trump (Maurice Nadeau éditeur).

 

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